La randonnée hivernale demande de prendre en compte des paramètres que l’on ne rencontre pas en été. Parmi les principaux facteurs de risque en cette saison : la neige bien entendu. En montagne, il est important de connaître l’état du manteau neigeux lorsque l’on prévoit une sortie, et cela ne concerne pas que les skieurs ! Chaque année, il y a encore de trop nombreux randonneurs qui se retrouvent pris dans des avalanches – parfois même sans s’être renseignés sur les risques avant de partir. Dans cet article, je vous propose donc de faire un point sur le Bulletin d’Estimation du Risque d’Avalanche (BERA, anciennement BRA). À quoi sert-il ? Où le trouver ? Quelles sont les informations qu’il contient et comment les lire ?
L’acronyme BERA (anciennement BRA) est utilisé pour désigner le bulletin d’estimation du risque d’avalanche. Il s’agit d’un document émis quotidiennement par Météo France en saison hivernale (entre le 15 décembre et le 30 avril). Il regroupe un ensemble d’informations nivo-météorologiques à destination des « usagers » de la montagne, mais aussi des collectivités et des gestionnaires d’infrastructures d’altitude.
L’information principale qui s’y trouve, ou du moins celle qui intéresse la plupart des personnes le consultant, est celle concernant les risques d’avalanche classés sur une échelle allant de 1 à 5. Nous reviendrons sur ces degrés de risque un peu plus loin dans cet article.
Les bulletins donnent les informations météorologiques par massif montagneux et sont valables pour une durée de 24 heures environ après leur publication. Depuis l’hiver 2023, on y trouve aussi des données concernant la tendance sur 2 jours.
Pour commencer, je dirais que ne pas consulter le BERA serait comme ne pas consulter la météo avant de partir randonner en montagne (et même probablement pire).
Les avalanches peuvent concerner tout le monde, et pas seulement les skieurs adeptes de hors-piste et de sensations fortes. En randonnée, on peut également être confronté à ce danger. Que vous profitiez de la montagne à skis, en raquettes ou simplement à pied, il est important de connaître l’état du manteau neigeux dans la zone où vous comptez randonner, surtout si vous vous éloignez des pistes balisées, ce qui est souvent le cas en rando.
Il y a peu de temps, un randonneur en raquettes a été secouru in extremis après avoir été emporté par une avalanche alors qu’il faisait une simple balade en famille… Tout cela non loin de la station savoyarde où il séjournait. Le jour de sa balade, le niveau de risque d’avalanche était de 5/5 : un indice de dangerosité habituellement rare. Cet accident aurait sans doute pu être évité s’il avait consulté le BERA.
À savoir : selon les statistiques, les chances de survie sont de plus de 90 % si les victimes d’avalanches sont secourues dans les 18 minutes. Ce taux tombe à seulement 34 % entre 18 et 35 minutes. Mieux vaut donc éviter le drame et reporter sa randonnée en cas de risque élevé d’avalanche.
Le BERA est rédigé tous les jours par Météo France en partenariat avec d’autres acteurs de la montagne. Vous pouvez le consulter gratuitement sur le site de Météo France dans la section « METEO MONTAGNE ».
Une fois sur la carte, cliquez sur la zone montagneuse qui vous concerne :
Note : des BERA sont disponibles pour les Alpes, les Pyrénées et la Corse uniquement, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de risque dans les autres massifs.
Pour l’exemple, disons que je souhaite obtenir le BERA du massif de la Chartreuse. Je vais donc sélectionner les Alpes du Nord.
Lorsque la carte des Alpes du Nord s’affiche, je peux ensuite choisir dans les onglets juste au-dessus le menu « RISQUES-AVALANCHE ». Il ne me reste plus qu’à cliquer sur le massif qui m’intéresse pour afficher le bulletin.
Note : si vous ne savez pas à quel massif correspond la localisation de votre randonnée, vous pouvez sélectionner des lieux qui vous sont peut-être plus familiers (stations, cols, localités d’altitude, etc.) dans le menu déroulant situé sous la carte.
Le BERA est mis en ligne tous les jours en saison hivernale à 16 heures. Il est valable jusqu’au lendemain soir. Autrement dit, vous pouvez le consulter la veille du jour où vous avez prévu de randonner afin de vérifier si les conditions neigeuses sont favorables ou pas.
💡 Idée rando : je vous invite à lire le compte rendu de ma traversée (estivale) de la Chartreuse en 3 jours. Si vous ne le connaissez pas encore, cela vous donnera peut-être envie de découvrir ce massif qui s’étire entre Grenoble et Chambéry.
Le bulletin d’estimation du risque d’avalanche contient un grand nombre d’informations utiles, mais qui peuvent être un peu complexes de prime abord. Surtout lorsque l’on n’est pas habitué au jargon technique de la nivologie (discipline scientifique consacrée à l’étude de la neige). Nous allons donc voir quelles sont les informations les plus importantes et comment les interpréter.
C’est bien entendu l’information principale contenue dans le bulletin. Le risque est estimé sur une échelle allant de 1 à 5, 1 étant le risque le plus faible, 5 le plus fort (vous noterez qu’il n’y a pas de risque zéro).
Chaque indice est symbolisé par un pictogramme (uniformisé sur le plan européen) couplé d’un chiffre que l’on retrouve en haut à droite du bulletin. Dans notre exemple, le risque général d’avalanche est donc estimé à 4 sur 5.
Dans le cadre de droite, deux catégories d’avalanches sont détaillées :
Beaucoup de personnes pensent encore (à tort) qu’un risque de niveau 3 est plutôt moyen et qu’il n’y a pas grand-chose à craindre. En réalité, l’échelle est plus complexe que cela et il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. Voici donc quelques explications sur les niveaux de risque.
1 – Faible : le manteau neigeux est globalement stable. Les avalanches sont possibles uniquement là où les pentes sont très raides ou en cas de facteur humain notable (surcharge provoquée par un groupe important de skieurs ou randonneurs par exemple).
2 – Limité : le manteau neigeux est stable sauf dans certaines pentes très raides. Les départs spontanés ne sont pas à craindre, mais il y a un risque de déclenchement dans certaines pentes raides ou en cas de forte surcharge humaine.
3 – Marqué : autrement dit, le risque commence à être important ! La couverture neigeuse est plutôt instable, notamment dans les pentes raides. Une faible surcharge humaine peut déclencher une avalanche à certains endroits et des départs spontanés sont possibles.
4 – Fort : une faible activité humaine est susceptible de déclencher une avalanche, même là où les pentes ne sont pas très raides. Des départs spontanés entraînant de grandes avalanches sont plus que probables.
5 – Très Fort : le manteau neigeux est totalement instable. De grandes avalanches spontanées peuvent survenir à tout instant, même sur des pentes faibles.
Pour résumer :
Lorsque vous randonnez en hiver, restez vigilant en niveau de risque 1 et 2.
À partir du niveau 3, ne vous aventurez pas sur les pentes trop raides. Et si vous randonnez en groupe, gardez vos distances entre vous lors des passages à risque, pour ne pas provoquer de surcharge de poids trop importante sur la neige.
Même si le niveau 3 correspond au milieu de l’échelle, il ne s’agit pas d’un risque moyen :
– des indices 1 à 4, on distingue les départs déclenchés (accidentels) et les départs naturels (spontanés). Cette distinction ne se fait plus dans l’indice 5 qui ne prend en compte que les départs naturels. L’indice 3 est donc élevé sur l’échelle des indices prenant en compte les départs déclenchés par des randonneurs.
– statistiquement, la majorité des accidents a lieu par risque 2 et 3.
⚠️ Dès le niveau 4 : mieux vaut reporter votre rando (à moins que vous ne sachiez parfaitement ce que vous faites) ! Une journée raclette et bonhomme de neige, c’est très bien aussi ☃️
Dans les cadres de gauche, le BERA nous donne quelques informations complémentaires sous forme imagée. On peut voir par exemple que le risque d’avalanche en Chartreuse sera plutôt de 3 au début, et qu’il évoluera vers un indice de 4 au fil de la journée.
Ce niveau de risque sera valable sur toutes les orientation (nord, sud, est et ouest), car tous les axes sont coloriés en noir sur la rose des vents et surtout en altitude (indiqué sous la rose des vents).
Voici un autre exemple (autre jour, autre massif), où il y a une différence de risque en fonction de l’orientation des versants (en noir, les pentes les plus dangereuses). 👇
Pour compléter les informations concernant le niveau de risque d’avalanche, le BERA donne également :
Chacune de ces rubriques peut vous aider à bien préparer votre randonnée. Vous saurez ainsi à quelles conditions vous attendre et quel matériel emporter en conséquence. Le BERA vous donne également un aperçu de l’évolution des risques dans la rubrique « Tendance ultérieure des risques ». C’est pratique pour anticiper les conditions pour des randonnées de plusieurs jours.
❗️ À noter : le BERA a évolué en 2023. Désormais, la partie “stabilité du manteau neigeux“ est plus simple à lire, grâce à la présence de pictogrammes portant sur la situation avalancheuse typique :
D’autre part, la quantité de neige fraîche est désormais indiquée par une fourchette, et non une valeur.
Concernant la tandance ultérieure des risques, c’est l’autre grand changement qui a eu lieu sur le BERA à la saison hivernale 2023. Exit les petites flèches comme celles ci-dessous. Désormais, c’est un indice plus précis qui est proposé, ainsi que quelques informations écrites.
La nivologie est une science complexe et je n’en suis pas expert. Mais, si vous voulez davantage d’informations à ce sujet, je vous conseille de vous rendre sur le site de l’Association Nationale pour l’Étude de la Neige et des Avalanches (ANENA). Vous y trouverez des dossiers complets et très documentés sur la nivologie et la météo. (Mise à jour en juillet 2023, il semble que ces dossiers ne soient plus en ligne. Par contre, l’ANENA propose des formations à destination du grand public et des professionnels sur la gestion du risque d’avalanche).
Sur la deuxième page du bulletin se trouve un récapitulatif des conditions nivo-météorologiques des 7 derniers jours.
Le premier graphique permet de consulter :
Ces informations peuvent vous aider à connaître l’état de la couverture neigeuse dans votre zone d’altitude de randonnée. Idem pour le graphique suivant qui indique la hauteur de neige fraîche à 1 800 mètres d’altitude.
On a ensuite un récapitulatif des risques d’avalanche des 7 derniers jours avec les pictogrammes officiels.
Enfin, le dernier graphique indique les conditions d’enneigement à 1 000 mètres, 1 500 mètres et 2 000 mètres d’altitude sur les versants nord et sud du massif.
Pour connaître l’historique des risques d’avalanche et avoir des informations plus anciennes sur les conditions météo en montagne, vous pouvez vous rendre sur la page des Données Publiques de Météo France et accéder aux archives des BERA remontant jusqu’à mars 2016.
⛅️ En quoi les historiques météo peuvent être utiles aux randonneurs ? Je vous explique tout dans cet article : Utiliser les relevés météo pour préparer ses randonnées : 3 outils.
Lire et comprendre le BERA, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant pour s’assurer que l’on sera en sécurité. Il faut aussi :
Si vous ne maîtrisez pas ces aspects, je ne peux que vous inviter à vous former (par exemple avec l’ANENA), à partir avec des personnes expérimentées ou à faire appel à un professionnel (accompagnateur en montagne, guide de montagne…).
Pour finir, voici quelques ressources complémentaires que vous pouvez consulter pour aller plus loin dans cette thématique ô combien importante pour votre sécurité en randonnée :
J’espère que cet article vous aidera à profiter en toute sécurité de vos randonnées en saison hivernale. N’hésitez pas à m’indiquer en commentaire si vous connaissiez le BERA et si vous avez l’habitude de l’utiliser.
Pour d’autres conseils sur la rando en hiver, je vous renvoie vers cet article : Randonner en hiver | 12 conseils pour votre sécurité et pour votre plaisir !
Merci à Thomas pour la relecture et les remarques pertinentes. 😉
Merci François pour cet article très utiles et clairement développé,
Existe-t’il un équivalent chez nos voisins alpins comme les italiens, suisses, autrichien ou espagnols ?
Merci
Thierry
Oui, tu les trouveras sur ce site, en cliquant directement sur la carte : https://www.avalanches.org/
Merci beaucoup pour toutes ces explications
Bonsoir François,
Effectivement je pratique la lecture du BERA car je sors souvent en montagne l’hiver
Merci pour ce petit plus toujours utile et pertinent
Xavier
Merci.
François, pour info il n’y a pas de BERA pour le massif central, ce qui est malgré tout paradoxal sachant qu’il y a des pentes à plus de 30°c, des stations de ski et donc des pisteurs…
Il n’y en a pas non plus pour les Vosges et le Jura mais pour le coup c’est plus compréhensible.
Risque d’avalanche dans le Jura , inédit (dans la région depuis 26 ans) , un mort récemment au col du Sac , à Menthières. Le danger est dans tous les massifs.
Je viens de mettre une note dans l’article, ça manquait de clarté. Par contre, je suis d’accord avec Anne, aucun massif n’est sans risque. Une personne est d’ailleurs décédée fin janvier dans les Vosges à cause d’une avalanche. Et il y a bien des des pentes à plus de 30° dans les Vosges et le Jura.
Merci François pour cet article qui nous apprends à bien comprendre le BERA.
Grand merci François pour cette mine d’infos concernant les avalanches (je classe!) qui touchent à présent les massifs du Jura .
Grand merci François pour ces explications.
Pour ma part, je n’utilisais pas le BERA, mais j’essaie d’éviter les fortes pendes enneigées…
Ça évite une partie des risques, mais il faut aussi penser qu’en bas des pentes, on n’est pas forcément toujours à l’abri. D’autres personnes peuvent déclencher des avalanches au-dessus et il peut y avoir des départs spontanés.
François,
Pour les personnes qui préfèrent le bulletin suisse en français voici le lien:
https://www.slf.ch/fr/bulletin-davalanches-et-situation-nivologique.html#dangeravalanche
Pour le Val d’Aoste en Italie, voici le bulletin en français:
https://appweb.regione.vda.it/DBWeb/bollnivometeo/bollnivometeo.nsf/vista_f/$first?OpenDocument&L=_f
Sur le bulletin suisse, il est aussi possible de connaitre pour certaines régions et lieux, la stabilité du manteau neigeux, voici le lien:
https://www.slf.ch/fr/bulletin-davalanches-et-situation-nivologique/cartes-de-neige/details-sur-la-carte-de-stabilite-du-manteau-neigeux.html
Est-’il possible de connaitre la stabilité du manteau neigeux avec le bulletin français ?
et effectivement il y a aussi des risques dans le Jura puisque cette année une personne est morte dans une avalanche dans le Jura Neuchâtelois. Le degré était de 3 ce jour là pour le Jura Suisse
Merci pour les liens.
Oui, il y a un paragraphe sur la stabilité du manteau neigeux dans les BERA français.
Merci François,
Bonne explication
Deux choses cependant : il est aussi important de regarder sur le site de l’ANENA les endroits où il y a eu des avalanches à tel ou tel moment . Cela est utile car il y a des lieux où d’année en année on trouve des avalanches et pourtant c’est non signalé pour le principe de liberté .
Autre chose , mais c’est une simple remarque : dans beaucoup de cas , les avalanches se produisent à partir de 12 à 15h car la neige a tendance à fondre à ce moment . Là encore, toute la liberté doit être laissée . Mais c’est une observation.
Merci François, pour cet article, encore une fois, utile et intéressant !
Roberto
Merci François,
Article vraiment très complet.
Entre autre, j’ai regardé le site de l’ANENA notamment l’accidentologie sur 3 saisons.
Comme le dit Loïc, ils sont très instructifs notamment sur la récurrence des lieux, des pratiques de ski, de la cotation du danger lors de l’évènement….
Sans être parano, bah, çà peut permettre de se faire une idée lors de le préparation.
Randonner c’est aussi savoir renoncer.
Phil